Nous sommes en ce début d’année 2015, à un point de bascule dans l’histoire du nucléaire français. La quasi totalité des réacteurs sont en bout de course et n’ont jamais été aussi peu fiables. La société est tout à fait consciente des risques du nucléaire ( Tchernobyl , Fukushima, dangerosité à très long terme des entrepôts de déchets, catastrophes naturelles, terrorisme…) et il est évident pour tous que l’on doit les fermer d’urgence, si possible avant un accident majeur. Alors que le nucléaire est en déclin partout dans le monde, étranglé par ses coûts et des risques trop élevés
La ministre de l’écologie Mme Royale a d’ailleurs (à la suite de l’Autorité de sûreté nucléaire -ASN- ) déclaré que l’on ne pouvait plus prolonger la durée de vie de réacteurs ayant déjà dépassé leurs limites, depuis pour certains plus d’une dizaine d’années, et bien trop souvent frôlé la catastrophe comme à Bordeaux en 1999 ; où les riverains se souviennent encore du goût des comprimés d’iode: voir L’inquiétante centrale nucléaire de Blaye et Blaye 99: retour sur un accident nucléaire majeur.
Face à cette urgence la ministre déclare de façon autoritaire qu’il n’y a pas de polémiques possibles et que nous allons reconstruire 40? réacteurs neufs. Ségolène Royal taxant par ailleurs d’ « idéologique » la mise en place d’un âge limite pour les réacteurs.
Un bel exemple de démocratie « participative » chère à cette personne qui n’avait à la bouche que les mots « démocratie participative » en période électorale. On en conviendra: on nous prend pour des abrutis. (Ségolène Royal, lors de la primaire socialiste en 2011 déclarait vouloir une sortie du nucléaire.)
Pas de polémiques mais une concertation citoyenne sur l’avenir de cette forme de production d’énergie en déclin.
Qu’elle se rassure, la filière nucléaire ne va pas disparaître puisque le problème des déchets n’est pas résolu et ne peut être résolu par la technique de la cocotte minute en projet à Bure, dont la ZAD ne devrait pas tarder à apparaître.
mais la question est :
un referendum sur le nucléaire est-il POSSIBLE en France?
En Autriche, la décision de sortie du nucléaire avait été prise par referendum en 1978, décision suivie d’une autre première mondiale, la « Loi interdisant la fission nucléaire à des fins énergétiques ».. par exemple. Les Autrichiens ont inscrit depuis (en 1999) le renoncement à l’énergie nucléaire dans leur Constitution.
En France, c’est plus compliqué. La France est un des pays de type démocratie représentative qui dispose le moins d’outils de démocratie directe ou de démocratie tout court si l’on considère que la démocratie est forcement l’expression directe de la volonté du peuple.
Le referendum en France est prévu essentiellement pour la modification de la constitution. En 2005, par exemple, les Français ont rejeté le Traité établissant une Constitution pour l’Europe proposé au référendum par le président. Malgré cela, la ratification d’un traité semblable a été autorisée par la voie parlementaire le 8 février 2008. cas d’école de « déni de démocratie »
L’initiative populaire en matière législative, régulièrement envisagée est restée lettre morte à ce jour.
Il semble donc qu’aucun outil de démocratie directe ne soit utilisable!
La réforme de 2008 n’introduit qu’un « référendum d’initiative partagée »
Le fumeux « référendum d’initiative partagée »
C’est l’article 11 de la Constitution qui indique notamment qu’« un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales ».
Où sont donc les démocrates ?
En 2007, S.ROYAL, après des centaines de rencontres avec les citoyens, en dressait le bilan sur son site « Désirs d’avenir » en présentant plus de cent propositions.
On pouvait y lire cette description même du référendum d’initiative citoyenne :
« Les citoyens veulent prendre la parole plus souvent et plus directement pour décider eux-mêmes (…) »
– En juillet 2008, lors de la discussion de la réforme de la Constitution, Delphine Batho à qui S.ROYAL avait légué sa circonscription législative, n’a pas déposé d’amendement en faveur du référendum d’initiative populaire, les autres députés PS -PC -Verts- non plus d’ailleurs.
« Nous avons maintenant en droit français un référendum d’initiative populaire »
La simple lecture de l’article 11 prouve le contraire.
On comprend bien que dans un référendum d’initiative populaire , d’une part l’initiative de la consultation appartient aux citoyens qui fixent le contenu de la proposition et que d’autre part la proposition est soumise au peuple qui décide (si le seuil de signatures est atteint).
Or dans la procédure décrite dans l’article 11, d’une part, l’initiative n’appartient pas aux citoyens mais à 20% de Parlementaires qui doivent commencer par déposer une proposition de loi soumise ensuite au Conseil constitutionnel. Les citoyens n’interviennent qu’après.
Ils n’ont donc pas l’Initiative , ils ne sont pas les premiers et ne sont pas maîtres de la proposition.
D’autre part, même si les 4,5 millions de signatures sont réunis, la proposition de loi parlementaire n’est pas soumise aux citoyens, mais au Parlement !
Et selon l’article 11, ce n’est que :
« Si la proposition de loi n’a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum. »
Or, on ne voit vraiment pas pourquoi le gouvernement et sa majorité ne mettraient pas la proposition à l’ordre du jour des deux chambres alors que -même sans vote- cela écarte définitivement le référendum !
On voit aujourd’hui, dans l’urgence des fermetures des réacteurs, que les décisions qui engagent la santé des citoyens, de leurs enfants, de leurs petits-enfants et de leur environnement nécessitent une démocratie réelle exprimant la volonté de la population concernée et non celle d’oligarques liés à d’obscurs lobbies ou autres agendas politiques. Nous ne pouvons donc pas, nous peuple souverain, prendre part à une belle concertation populaire et démocratique sur l’avenir du nucléaire « civil » en France. Non, nous ne pouvons qu’écrire notre indignation sur des blogs (pour combien de temps encore ?).
Pourrions-nous compter sur un sursaut ou même une manœuvre électorale des partis EELV, FG, PC et des « frondeurs du PS » qui lorgnent actuellement vers les résultats de la coalition keynésienne Siriza? Rien n’est moins sûr…