» Les sots confondent la valeur et le prix «
Antonio Machado.
Le déplacement des coûts environnementaux du Nord vers le Sud.
L’exploitation croissante et brutale des ressources naturelles que notre modèle économique provoque génère non seulement de nombreux problèmes environnementaux mais également de nombreux problèmes sociaux. Lors que l’on observe les flux de matières premières, on constate que celui-ci se fait des pays pauvres vers les pays riches: le pétrole, le charbon, les minerais, l’alimentation…
Un commerce écologique inégal existe.
Les communautés se défendent, et souvent des femmes sont à l’avant poste de ces luttes. Il existe d’innombrables expériences de résistance populaire et indigène contre la progression des activités extractives des entreprises multinationales.
La défense des mangroves; la défense des droits territoriaux face aux entreprises minières; la résistance aux multinationales pétrolières…
La dette écologique
Le concept transparaissait déjà dans les critiques de la colonisation et de l’esclavage, mais il n’apparait associé au mot écologique vers 1990 alors que la dette extérieure des pays en développement ne cesse de s’alourdir ; Alors que le Chili a coupé presque toutes ses forêts, l’Institut d’écologie politique du Chili propose ce concept nouveau qu’il existe une dette écologique, en évoquant dans ce cas les impacts de la dégradation de la couche d’ozone sur la santé (humaine et animale) dont en Patagonie, où les taux d’U.V. avaient fortement augmenté.
Le concept est ensuite évoqué lors de la conférence de Rio dans les forums parallèles, avec les ONG notamment qui le diffuseront, en Amérique du Sud puis au Nord ((via notamment les Amis de la Terre.
Dans ce contexte, la dette écologique se mesure notamment au regard :
- de la surexploitation (parfois irréversible) des « ressources naturelles », via des prix qui n’intègrent pas les externalités écologiques et sociales locales, régionales ou nationales ; ces ressources sont agricoles, forestières, halieutiques, cynégétiques, minérales, énergétiques, marines, génétiques et foncières ; c’est le « passif environnemental » ;
- du gaspillage ou pillage9 ou de la dégradation des sols et eaux les plus fertiles (dont pour les cultures d’exportation) avec des impacts sociaux-environnementaux, sanitaires, alimentaires (perte d’autonomie) et politiques (spoliation de territoires, perte de souveraineté). L’érosion de la biodiversité, la déforestation, la fragmentation des territoires par les routes d’exploitation font partie des impacts de ce pillage.
- de l’exportation vers l’océan (ex munitions immergées ou vers des zones peu habitées, ou vers des pays ou régions pauvres, et/ou vers les générations futures dans le cas de l’enfouissement sur place de déchets dangereux ou de déchets toxiques.
La délocalisation vers des régions pauvres ou laxistes sur le plan du droit socio-environnemental d’activités polluantes ou à risque (dont essais nucléaires), avec pollutions, nuisances sanitaires, environnementales et sociales avérées ou en suspens pour l’avenir ; - de l’appropriation de l’espace environnemental d’autrui (avec expulsions parfois), et des puits de carbone ou capacités d’auto-épuration de la planète pour aujourd’hui et demain : l’utilisation et la saturation des puits, en particulier pour les émissions de carbone atmosphérique. La dette écologique pose donc non seulement la question de la distribution des biens et des maux environnementaux, mais aussi de la répartition des droits collectifs et individuels à polluer ;
- de la biopiraterie par l’Agro-industrie et l’industrie pharmaceutique : la brevetisation des savoirs traditionnels. Selon Vandana Shiva, un triple pillage est opéré : des ressources biologiques, des savoirs et cultures qui les utilisaient, et des bénéfices économiques, au détriment des populations qui commercialisaient ou usaient librement des produits avant qu’ils ne soient brevetés[11] [11] V. Shiva, Protect or plunder ? Understanding intellectual…
- des puits de carbone, avec une dette du carbone qui est la dette accumulée en raison d’une part de la destruction des puits de carbone et d’autre part de la pollution atmosphérique disproportionnée due aux grandes émissions de gaz des pays les plus industrialisés avec, pour conséquences, la détérioration de la couche d’ozone et l’augmentation de l’effet de serre. Moins à même de faire face au dérèglement climatique, les pays du Sud en sont les premières victimes.
- de la culture et de la paix, car au préjudice socio-économique s’ajoute un préjudice culturel, puisque l’esclavage est une des formes d’appropriation, et parce que des savoirs traditionnels ont été à la fois déniés et privatisés par des firmes occidentales, ce qui nourrit un certain nombre de conflits10 juridiques (comme pour la brevetisation du riz basmati) ou aggrave les tensions ethniques ou militaires.
La reconnaissance du pillage des savoirs est inséparable d’un combat épistémologique pour la reconnaissance de la pluralité et diversité des formes de savoir.
Ce sont toutes des luttes pour la justice environnementale.
Des gens protestent parce qu’il en va de leur vie.
Par exemple, les plantations de pin, en Équateur, destinées à capturer le dioxyde de carbone européen, ne peuvent pas se manger, les populations ne peuvent ni y cultiver ni y élever du bétail.
Ou encore face à la pêche industrielle; devant la construction de gazoducs; devant la construction du barrage dans la rivière Narmada en Inde qui inondera les terres fertiles…
Dans un conflit environnemental, les enjeux sont nombreux et variés : écologiques, culturels, de subsistance des populations, économiques.
Ce sont des enjeux qui s’expriment à des niveaux distincts.