«Les principes présentés ici sont en quelque sorte la pierre d’assise de la permaculture. Ils ont été élaborés conjointement par Mollison et Holmgren dans les années 1970, mais c’est Mollison qui les a dabord publiés en 1991. Holmgren a publié sa propre version en 2002. Pour notre part nous avons choisi d’utiliser la liste des principes présentés par Hemenway (2009:6). Si nous avons fait ce choix, c’est que la liste proposée par cet auteur est basée à la fois sur les écrits de Mollison, de Holmgren et de leurs coauteurs ainsi que sur son expérience combinée à celle de nombreuses personnes pratiquant la permaculture. En ce sens, elle semblait représentative du mouvement de la permaculture. Hemenway divise 14 principes en deux catégories, soit les principes de design écologique et les principes reliés à l’attitude des humains qui les mettent en pratique. Nous nous proposons de passer en revue chacun de ces principes en maintenant cette division qui nous semble pertinente. Toutefois, si nous avons opté pour les principes présentés par Hemenway, les définitions que nous en donnons ici ainsi que les exemples qui les accompagnent s’inspirent quant à eux de la lecture des documents présentés en bibliographie ainsi que de formations que nous avons suivies sur le sujet depuis un peu plus d’un an. Ces principes étant particulièrement connus en permaculture, il est difficile de cerner à qui revient la propriété intellectuelle.
Principes de design écologique
Observation
La permaculture est essentiellement basée sur l’observation de la nature et des interrelations existant entre les différents éléments des écosystèmes. Elle tient compte du contexte dans lequel elle s’inscrit. En ce sens, l’implantation de systèmes de production permaculturelle doit d’abord débuter par une observation prolongée de l’écosystème qui sera bouleversé par les changements apportés par toute action humaine. La création d’un système de production à l’image de la nature est un processus complexe s’étalant sur une longue période. Il n’est pas rare pour un permaculteur ou une permacultrice d’observer un écosystème pendant un an ou plus avant d’y intervenir. Ce type d’observation pourrait permettre, par exemple, de constater le fait qu’un oiseau rare occupe une certaine zone pendant quelques semaines par année seulement. Sans une observation prolongée, le permaculteur ou la permacultrice pourrait très bien choisir d’agrandir une zone de production sans réaliser que, ce faisant, c’est un milieu de nidification fragile qui serait détruit.
Localisation relative
Dans un design de permaculture, chaque élément est placé dans le système suite à une réflexion et une analyse approfondie des divers rôles qu’il pourra jouer, en tenant compte de ses besoins ainsi que des impacts positifs et négatifs qu’il pourra avoir sur d’autres éléments du système. L’objectif est d’obtenir le rendement maximal pour l’apport minimal d’énergie. L’énergie dont il est question ici peut être de sources variées, incluant autant le labeur humain qu’animal ainsi que le recours aux énergies fossiles. En ce sens, les éléments sont placés dans le système afin de diminuer les dépenses énergétique attribuer au maintient du système (entretien, récolte, etc). Ce sont les interconnexions entre les éléments d’un système qui permettent de le considérer comme diversifié plutôt qu’un calcul qui se limite à dénombrer les éléments présents dans le système.
Interception et stockage de l’énergie
Il est possible de bénéficier de différents cycles existant dans la nature. Un bon exemple est l’utilisation du cycle à travers lequel passent les ligneux à feuilles caduques. Bon nombre de personnes dépensent beaucoup de temps et d’énergie à chaque année pour ramasser les feuilles mortes alors qu’une fois décomposées elles enrichissent le sol et en améliore la structure. Cet apport potentiel est donc perdu lorsque les feuilles sont jetées plutôt qu’utilisées afin d’augmenter la production du système.
Chaque élément joue plusieurs rôles
Les éléments intégrés au système doivent jouer le plus grand nombre de rôles possible. Il s’agit de considérer non seulement les usages potentiels de l’élément en tant que tel, mais aussi la localisation de cet élément dans le système afin de prendre en considération les interactions avec les autres éléments du système.
Chaque rôle est soutenu par une diversité d’éléments
Un peu dans le même ordre d’idées que le principe précédent, il est question de s’assurer qu’un rôle essentiel au système est rempli par une diversité d’élément afin de créer un système résilient. Par exemple, si l’apport en eau est comblé par un système électrique de pompage et de distribution par boyaux, le système est vulnérable en cas de panne électrique, de bris ou d’assèchement de l’aquifère. Si l’eau provient de différentes sources, le système est beaucoup moins vulnérable et peut continuer à produire malgré les contretemps.
Changements minimaux pour un effet maximal
L’idée est de comprendre l’écosystèmes à travers une observation suffisante des différentes composantes et de leurs interactions. Les informations ainsi obtenues permettent de planifier adéquatement les actions à entreprendre afin de limiter le plus possible l’impact sur le milieu tout en atteignant les objectifs fixés.
Utilisation des systèmes intensifs à petite échelle
L’idée est de débuter à petite échelle, de bien comprendre le système mis en place afin de pouvoir l’étendre par la suite en intégrant les leçons apprises lors de cette première phase. La permaculture prend du temps et de la patience puisqu’il est question d’implanter un système de plantes vivaces autosuffisantes, c’est-à-dire au sein duquel les besoins des uns sont comblés par les autres.
Optimisation des bordures
La biologie nous apprend que les zones de bordure entre deux écosystèmes sont généralement des zones d’intense biodiversité. Pensons par exemple à l’orée de la forée ou au bord d’un bassin d’eau. Dans ces zones, différentes espèces partagent le même habitat puisque ces espaces cumulent certaines des caractéristiques des deux systèmes. C’est en se basant sur cette observation que ce principe a été élaboré dans l’optique d’augmenter le plus possible la diversité du système. Ainsi, un bassin artificiel n’aura pas une forme ronde, on cherchera plutôt à augmenter l’espace où l’eau et la terre ferme se touche afin d’augmenter les bordures.
Prise en compte de la succession naturelle
Il s’agit de comprendre les différents cycles à travers lesquels passent les systèmes naturels pour utiliser ces évolutions à notre avantage plutôt que de tenter de maintenir les systèmes dans un état perpétuel d’immaturité comme c’est le cas des grandes étendues d’herbe qui s’apparentent plus à une prairie qu’à une forêt mature. Les systèmes matures sont plus productifs que les systèmes immatures. En utilisant des plantes vivaces, plutôt que des plantes annuelles, nous avons un autre exemple de ce principe. Une annuelle sera perpétuellement dans une phase d’immaturité alors que les plantes vivaces peuvent produire de manière plus autonome compte tenu de leur réseau racinaire plus solide qui leur permet de puiser l’eau là où les plantes annuelles ne pourront pas se rendre.
Utilisation des ressources biologique et renouvelable
Dans la perspective de limiter l’impact des actions humaines sur l’environnement, la permaculture priorise le recours aux ressources renouvelables plutôt qu’aux ressources non-renouvelables. Les ressources renouvelables produisent de manière durable, elles nous permettent d’accumuler des matériaux et de contenir l’énergie. Par exemple la permaculture favorise la captation de l’eau de pluie et la récupération des eaux grises plutôt que le recours à l’eau souterraine d’aquifère non renouvelables (eau fossile).
Principes basés sur l’attitude humaine
Transformation des problèmes en solutions
Les problèmes sont des opportunités d’apprentissage permettant de mieux comprendre les systèmes naturels. En permaculture, la croyance est que les problèmes qui surgissent proviennent souvent d’une mauvaise planification ou d’un aménagement laissant à désirer. Il s’agit donc de chercher à comprendre quel est le problème d’une part et quels sont les éléments dans le système qui pourraient contribuer à résoudre le dit problème. Il peut s’agit, par exemple, de déplacer une plante qui peine à luter contre une infestation ou une maladie afin de la mettre à proximité d’une autre plante reconnue pour sa capacité à repousser certains insectes. Le concept de plantes amies est au coeur de l’agriculture biologique et il est intégré à la permaculture. Il arrive souvent que des plantes mal adaptées à l’environnement climatique et biophysique soient implantées dans un système de production. Ce choix conduit souvent au recours aux pesticides, aux engrais chimiques ainsi qu’à l’arrosage. La plante qui n’est pas naturellement adaptée à un certain contexte est choisie au détriment d’autres plantes qui sont tout à fait adaptées à ce climat et ce type de sol et qui pourraient produire tout en diminuant les apports extérieurs au système (temps, énergie, engrais, ressources financières).
Obtention d’un rendement
La permaculture a, entre autres, pour but de répondre aux besoins humains dans le respect de l’environnement et pour ce faire les systèmes implantés doivent permettre une production importante d’aliments, de médicaments naturels et autres produits utiles dans le cadre de la vie courante. Il s’agit donc d’implanter des systèmes de production qui nécessitent un apport minimal d’énergie pour un retour maximal. C’est pourquoi, par exemple, on ne verra pas de grande étendue de pelouse au sein des systèmes permaculturels puisque cette pratique découle d’un construit social au sein d’une culture qui accorde une grande importance esthétique à l’entretien d’espaces gazonnés qui n’offrent aucun rendement et demandent des apports importants d’énergie humaine et fossile. Ce principe concerne aussi la planification adéquate du calendrier annuel de production afin d’étendre la production le plus longtemps possible dans le but de diminuer les périodes improductives. Les efforts qui sont mis pour mettre en place le système doivent offrir un retour sur l’investissement en temps et en ressources à la fois à court terme, moyen et à long terme. Un bon exemple de ce dernier élément consisterait en la plantation d’arbres à noix qui produiront dans plusieurs années, combinée à l’implantation d’arbres fruitiers à croissance rapide qui porteront des fruits à moyen terme ainsi qu’à l’implantation d’arbustes fruitiers qui, quant à eux, seront en mesure d’offrir une bonne production dans un délai assez court.
La plus grande limite à l’abondance est la créativité
Il arrive souvent que ce ne soit pas les limites physiques qui posent des barrières à la productivité du système, mais plutôt des schémas mentaux qui limitent l’étendue des possibilités qui surgissent dans l’esprit des planificateurs et planificatrices en cours de route. Certains exercices ont été développés afin d’aider à dépasser cette limite et favoriser la créativité. L’un d’eux consiste à inscrire l’ensemble des éléments à intégrer dans le système de production sur des petites cartes individuelles. Il s’agit ensuite de piger deux cartes et de réfléchir à ce que ces deux éléments combinés pourraient apporter au design. Il arrive que le résultat soit tout à fait improbable, mais ce processus permet parfois de forcer l’esprit à réfléchir au-delà des idées préconçues ce qui peut permettre de trouver des solutions à des problèmes persistants.
Les erreurs sont des outils d’apprentissage
Le dernier des principes dont il sera question ici est celui qui consiste à apprendre de nos erreurs. S’il peut être particulièrement frustrant de faire des erreurs, il est d’autant plus désagréable de penser qu’elles n’ont servi à rien. En ce sens, lorsqu’une erreur se produit, le permaculteur ou la permacultrice est invité à réfléchir à la situation, à ce qui s’est passé en cherchant à comprendre ce qui pourrait être fait autrement la prochaine fois. Si ce principe peut semble comme allant de soi, ce n’est pas nécessairement le cas puisqu’il est nécessaire, pour le mettre en application, de prendre la responsabilité de nos actions en ne cherchant pas à reporter le blâme pour nos échecs sur des acteurs externes. Ce principe implique aussi d’être ouvert au changement ainsi qu’à de nouvelles pratiques. »