Nos sociétés «développées » fonctionnent sur deux mythes qui s’essoufflent et sont au bord de l’asphyxie : celui du progrès industriel, né avec la machine à vapeur au milieu du XVIII siècle, dont l’extension était sensée capable de résoudre tous les maux de nos sociétés (énergie, chômage, besoins…), et celui de la démocratie représentative, né avec la révolution française, et continuant à cultiver l’illusion du « pouvoir du peuple ». Pourtant, force est de constater que de plus en plus de science cohabite avec l’absence majeure de solutions aux maux de notre temps (fin des énergies, des métaux, pollutions diverses, réchauffement, catastrophes « naturelles »…), de même que la démocratie représentative installée et vénérée ne représente plus que l’impuissance du citoyen au quotidien et l’impuissance des états élus face aux forces des « marchés ». De ces deux constats, l’histoire nous invite à inventer, voire réinventer d’autres solutions, si l’on veut que l’homme puisse continuer à habiter cette planète.
1 – LE PROGRÈS, UN PREMIER MYTHE QUI S’EFFONDRE
Face aux problèmes sociaux majeurs auxquels les sociétés techniques sont confrontées (environnement, chômage, pollution, délinquance…) les sociétés techniques répondent toujours par « plus de la même chose », dans une fuite sans fin et dans un productivisme effréné, comme si tout problème social de quelque nature que ce soit avait une solution mécanique, évitant aux hommes de se poser la question du « pourquoi ?».
Mais, d’une part, toute « avancée » technique recèle au moins une face cachée, à savoir : les nano-technologies présentées comme pouvant guérir, ont pour corrolaire les puces que chaque individu portera sous la peau demain « pour sa santé », comme on nous invite à le faire pour tous les animaux aujourd’hui. Le téléphone portable, concentré d’intelligence et de technologie, provoque des lésions au cerveau, et on l’interdit dans l’enceinte les écoles. Le plastique allège le poids des bouteilles, mais il diffuse des substances cancérigènes et on le retouve au milieu de l’océan pacifique, dans le ventre des poissons. Les effets secondaires, cachés, dissimulés, provoquent de nouveaux problèmes, dont on attend de nouveau une solution technique dans une spirale sans fin. Mais il y a pire. Le gigantisme de certaines technologies (nucléaire, grande distribution, avions…), oblige, dans le même temps à mettre en place un contrôle total des individus : fichage, caméras de surveillance, contrôles quotidiens, pour le bien être des citoyens bien évidemment, qui peu à peu s’habitue à vivre dans un environnement de plus en plus totalitaire. L’URSS n’était qu’en avance d’une génération dans cette compétition là.
D’autre part, le « progrès » est d’abord et avant tout dans la recherche des profits qu’il peut occasionner. Le progrès chimique est privilégié au progrès biologique dans l’agriculture, au détriment des sols et de la terre nourricière, parce qu’il est plus facile de vendre des pesticides que de cultiver des coccinelles. L’efficience énergétique qui permet d’aller dans le sens de la conscience écologique sociale (ex : les voitures consomment moins), permet également d’en mettre deux fois plus sur le marché, selon le « paradoxe de Jevons » constaté aux XIX siècle.
Enfin, on ignore, tout au long de la chaîne de production, qui s’est internationalisée, toutes les souffrances occasionnées : la misère dans les pays où l’on extrait les métaux, la corruption des dirigeants, les guerres occasionnées (Afghanistan pour le gaz, Irak pour le pétrole, demain les guerres pour l’eau).
Le progrès technique, synonyme de mieux vivre pour quelques uns, est un gouffre de misère, d’exploitation et de souffrance pour la plupart. Notre mode de vie repose sur un capital non renouvelable et bientôt dilapidé, et la croissance sans fin scie la branche de la vie sur laquelle nous sommes assis : augmentation de l’effet de serre, dérèglementation du climat qui provoque de plus en plus de catastrophes, disparition des espèces, tonnes de déchets, pollutions gigantesques, marées noires…L’empreinte écologique, nouvel indice de mesure de notre rapacité sur terre, nous indique que si tous vivaient comme nous, la disparition serait pour bientôt. Pourtant, gauche comme droite nous invitent toujours à communier dans ce mythe, comme dans celui de la « démocratie ».
2 – LA DEMOCRATIE REPRESENTATIVE, UN SECOND MYTHE QUI S’EFFONDRE
Car, quand on parle de démocratie, il n’en est qu’une invoquée, la représentative, celle qui nous invite à élire nos représentants. Mais le non français au traité de constitution européenne a obligé le gouvernement à passer outre le vote du peuple et à faire voter par le parlement un ersatz reprenant les principales dispositions de celui-ci. Droite et gauche l’ont voté, montrant par là-même les limites de la démocratie représentative, dès lors qu’une caste d’élus (terminologie empruntée au religieux) s’arroge le droit de dire le droit au nom du peuple. L’impuissance du citoyen face au délire technologique se double de son impuissance caractérisée dans le champ démocratique. Il a le droit de vote tous les cinq ans pour telle ou telle élection, à la condition expresse, maintenant, que son vote corresponde à ce qu’on attend de lui. Si tel n’est pas le cas, alors on passe en force, ou on le fait revoter pour qu’il vote dans le bon sens, après lui avoir donné quelques hochets supplémentaires. Le vote n’est plus l’expression du peuple mais la soumission du peuple au bon vouloir des élites. C’est un vote bureaucratique.
Le pouvoir technologique, à son tour, présente un inconvénient majeur pour la démocratie : celui qui fait que le technicien, l’ingénieur, le banquier, possède le pouvoir bien avant le politique. Les récents évènements en sont une démonstration flagrante : soumission totale des états aux diktats des marchés, c’est à dire des investisseurs, c’est à dire des multinationales, c’est à dire des floppées de mathématiciens qui mettent à jour des « produits financiers » nouveaux dans la guerre sans merci qu’ils se livrent, à tel point qu’ils sont capables de mettre sur la paille des milliers de personnes (des centaines de milliers de gens ont perdu leur maison, récupérées par les banques, dans la faillite des « subprimes » aux USA, sans révolte aucune), et qu’ils s’attaquent maintenant aux états, l’Islande dans un premier temps, puis la Grèce aujourd’hui, et demain le Portugal et l’Espagne en ligne de mire. Et les états, c’est à dire la démocratie représentée, assistent impuissants au démantèlement de leur socle social, quand ils ne se mettent pas à aller dans le sens que les marchés attendent d’eux, preuve supplémentaire que l’état n’est que l’agent principal du capital, dont il se sert quand il en a besoin, et dont il se passe quand il n’en a plus besoin.
La liste est longue des atteintes à la démocratie réelle, perpétrée par la démocratie représentative : élections à plusieurs niveaux (sénat, communautés de communes), impuissance du parlement face à l’exécutif, qui produit de nos jours la majorité des lois, plus celles de la commission européenne, non élue elle. A quoi on peut ajouter le financement occulte des partis, les collusions avérées entre grandes entreprises et élus, etc. Tout ceci sous le discours généreux du « pouvoir du peuple » et du « devoir du citoyen ». Pouvoir de se passer les menottes, et devoir de se taire sont plus proches de la réalité. Le citoyen vote tous les 5 ans, les marchés tous les jours. Tout ceci inclut la relativisation de notre démocratie représentative, seulement « interne », parce que l’agrément apporté à quelques uns au long des siècles et des luttes s’est toujours accompagné de l’exploitation vile des autres pays et des autres cultures, et que cela continue sous des dehors beaucoup plus difficiles à discerner : ce sont bien des démocraties élues qui continuent le massacre des indiens commencé par les rois il y a cinq siècles, qui ont continué et augmenté le commerce du « bois d’ébène », qui nous ont donné deux guerres mondiales, et qui s’arrogent le droit d’attaquer d’autres pays pour des raisons économiques et sous des prétextes fallacieux !
3 – EBAUCHES DE SOLUTIONS
31 – Refonder les valeurs
L’écologie sociale cherche à faire du sens. Faire du sens, c’est faire que les hommes vivent en actes, dans les valeurs auxquels ils adhèrent, la liberté, la solidarité, les droits de l’homme, leur action sur le monde, et s’en servent de levier afin de transformer, dans une éthique de respect des hommes et des cultures, de ce qui existe et vit, à la fois leur propre rapport au monde, et ce qu’il y a d’intolérable dans leur propre culture. Le sens avant le politique, le politique avant le pouvoir, le pouvoir avant le technique. C’est exactement l’inverse de ce que nous vivons actuellement, où les politiques se sont placés sous l’égide des techniques, en ayant perdu le pouvoir et le sens. Au schéma « technique-pouvoir-politique-perte de sens », il convient de substituer le schéma « sens-politique-pouvoir-technique ». Ce faisant, c’est un renversement total de notre façon d’être et de penser le monde qu’il nous faut opérer.
Mais s’emparer de ce qui nous regarde nous oblige à mettre en avant relativité, incertitude, probabilité. Le regard que nous portons sur le monde n’est que le notre, et nous savons qu’il est partiel, partial, orienté, fragmentaire. Pour avancer, nous ne pouvons que le mesurer à d’autres, à ceux qui vivent différemment l’appréhension du temps, à ceux qui pensent que l’asservissement à la technique n’est pas fatal, que l’aménagement de l’ordre n’est pas immuable, que progrès, retard, modernité ne sont que des données relatives. L’écologie sociale, émergence d’une nouvelle pensée au sein du vivant, est la naissance de la conscience que l’homme est une partie du tout, dernier maillon le plus complexe d’une chaîne évolutive que les hasards ont conduit à le faire s’interroger sur sa condition. Cette conscience est née des différents rapports au monde selon les différents lieux d’existence, et les cultures de ces différents rapports. Ce n’est pas le retour à la nature qui est programmé, c’est le retour de la nature dans notre réflexion sur l’homme.
De tous temps l’homme est écologique et il le sait. Vivant d’abord dans une dépendance totale à l’égard de la nature, son expérience et son observation lui font lire celle-ci de plus en plus efficacement. Mais cette conscience d’appartenir à un tout s’estompe en même temps que le progrès technique lui apprend à dépendre de moins en moins de cette nature, distanciation du sujet à l’objet. Cet affranchissement des conditions de sa survie immédiate l’amène à en ignorer totalement les conditions de sa dépendance. La nature étant croit-il domptée, sa domesticité ne lui pose plus de problème. L’écologie sociale est le retour conscient entre ce sujet et cet objet, la partie et le tout, dans une interdépendance conflictuelle sur le long terme, avec les connaissances spécifiques que l’homme a accumulées dans sa distanciation.
L’écologie sociale met le doigt sur l’incapacité actuelle des sociétés technologiques à remettre en cause leurs fondements idéologiques. La pensée dominante du salut par la croissance est une pensée rassurante, quand bien même on peut constater quotidiennement ses déboires. Mais elle provoque toujours, cependant, le sentiment que demain sera mieux qu’aujourd’hui, continuation de son propre imaginaire dans un monde qu’elle détruit pourtant. La pensée écologique, au contraire est une pensée dérangeante. Elle provoque la remise en cause d’un mode de production chez les personnes qui en vivent, elle provoque la mise en garde du lendemain par l’intermédiaire de catastrophes qu’on prépare, la peur du chaos.
Que la naissance politique des mouvements écologiques concorde historiquement avec la fin des idéologies de gauche et leur asservissement à la pensée unique du marché n’est pas le fait du hasard, mais bien la nécessité de dépassement d’un mythe séculaire qui à échoué. L’écologie sociale n’est pas la gauche, n’est pas à gauche, en ce sens qu’elle dépasse la gauche de multiples façons: en plongeant ses racines plus profond (instauration du rapport homme-nature), pour monter sa tête plus haut (refus de la violence comme principe fondateur d’une humanité nouvelle). C’est en effet la gauche et son paradigme (pour simplifier, la lutte des classes) qui est « mathématiquement » sous ensemble du « paradigme écologique » et non l’inverse. Pourquoi ? Parce que l’écologie pose plus de questions, élargit le champ conceptuel, le champ de la pensée, tout en apportant des réponses différentes et nouvelles, projetant ainsi l’homme dans une autre sphère de compréhension et d’interprétation du monde. Donc, toute politique qui tendrait à faire de l’écologie une nouvelle composante de la gauche ne pourrait être que réductrice de ce qu’elle est. Dépasser ne veut pourtant pas dire nier. Si l’écologie sociale transcende les clivages historiques de droite et de gauche, elle ne les fait pas disparaître. Droite et gauche ont inventé la démocratie telle que nous la connaissons, républicaine et inachevée. Elles ont fait progresser la connaissance, y compris au prix des pires mutilations culturelles. Mais la complexité du monde moderne ne se résoudra pas dans l’affrontement de deux classes qui s’affrontent, même si cet affrontement constitue toujours une donnée fondamentale de compréhension. Mais tout comme l’idéologie du marché n’est porteuse d’un quelconque avenir vivable pour la multitude, celle de la gauche a aussi vécu en tant qu’utopie, en tant que solution globale aux problèmes de notre temps. Ce n’est pas aux mouvements écologiques d’aller à la gauche, c’est à la gauche d’aller à l’écologie, et, à sa suite, à la société toute entière. Il n’y a pas d’autre alternative, sous peine d’implosion généralisée, sociale, économique, écologique, sous peine de guerres multiples.
Qu’est-ce qui différencie l’écologie sociale de la pensée politique actuelle et donc aussi de la gauche, et quelles sont donc les valeurs véhiculées ? Il y en a de multiples, et l’on ne peut qu’être étonnés, parfois, de leur relation au naturalisme qu’elles pourfendent souvent : ainsi la notion de non-violence éminemment culturelle, opposée à la notion de défense de territoire, de la pensée unique, éminemment naturaliste, elle ! A laquelle nous ajouterons les notions de coopération, (culturelle, sociale, économique, éminemment humaines) opposées aux notions de compétition (économique, sociale, individuelle, éminemment naturelles encore, et darwinistes même!). Ensuite, celle d’éthique, de respect, de défense (de l’autre, des cultures, des minorités, des faibles, éminemment construites), face aux notions de domination et de rapports de forces (éminemment proches de la prédation animale !). Ensuite, nous opposons au néo-libéralisme, au laisser-faire, à la fable du renard libre dans le poulailler libre, la notion d’éco-developpement, de nouveau rapport entre l’homme et la nature à élaborer, qui fait appel à des critères absents de nos sociétés actuelles, et qui intègre les notions de long terme (cycles biologiques, climatiques, droit des générations futures) face à celle de court terme (le marché, l’élection prochaine, « après nous le déluge »). Celles encore de ressources limitées face à l’expansionnisme sans freins, de décroissance face à la croissance. Ensuite, la nécessaire introduction du vivant dans notre réflexion sur l’homme, face à son déni dans la pensée unique (la machine, rien que la machine, et peu importe les forêts brûlées, la disparition de la biodiversité, les cycles naturels…). Enfin, la réintroduction de la rareté, non pas au sens économique et libéral (tout ce qui est rare est cher, donc recherché), mais dans le sens de bien commun (tout ce qui est rare doit être préservé : eau pure, air, paysages, pétrole…). Ceci inclut dans notre nouvelle façon de fonctionner le primat de l’être sur l’avoir, du développement politique, au sens éthymologique, sur l’économique, de l’émancipation sur la docilisation, de l’égalité sur la hiérarchie. Cela inclut encore la nécessaire notion de solidarité planétaire, tout d’abord parce que d’une certaine façon, face aux problèmes écologiques majeurs, nous n’avons pas le choix, et qu’étant donné ce facteur, nous avons dès lors le choix : soit de coopérer à grande échelle, soit de nous détruire mutuellement. Globalement, on pourrait dire qu »au « tout est possible » proné par les « forces de progrès », on pourrait substituer le « tout n’est pas permis » de « l’écologie politique ». Au réformisme aujourd’hui sans espoir du système libéral prôné par la droite productiviste et par la gauche sociale-démocrate, nous en appelons à une véritable révolution des valeurs, des comportements et des mentalités, projet sous-tendu par la mise sur pied du paradigme de l’écologie sociale, dont les deux principaux vecteurs sont démocratie territoriale directe et démocratie écologique.
32 – Démocratie territoriale directe
L’objet est la refondation de la démocratie, qui, au moment où les problèmes sont mondiaux, ne doit plus être cantonnée entre les mains de quelques uns mais de tous. Quand les démocraties représentatives font la preuve de leur impuissance face aux multinationales, quand les partis font la preuve de leur impuissance au quotidien, il importe de trouver les moyens de rendre l’homme, c’est à dire tous les hommes, responsables. Ceci ne peut se faire que par une descente du pouvoir institutionnel au niveau du citoyen. L’histoire est riche de démocraties territoriales, à des degrés divers. Grèce antique, révolution française, cités-républiques italiennes, commune de Paris, communautés anarchistes espagnoles…A la confiscation des pouvoirs locaux par le pouvoir central doit répondre la mise sur pied de pouvoirs locaux face au pouvoir central. Il nous faut recréer des communes politiques où le pouvoir est exercé par le citoyen dans des assemblées démocratiques, des communes autogérées où la culture politique s’enracine dans la vie quotidienne spécifique, une politique organique où les individus, au quotidien, pensent, réfléchissent, organisent, créent, structurent leur propre environnement et leur rapport aux autres. Une politique locale où tous les grands problèmes internationaux sont évoqués, débattus, où l’écologie du quotidien est déterminée par les personnes, où les principaux problèmes non résolus par des décennies de pouvoir central restent en l’état : mal logement, restaus du coeur, énergie, industrie locale…A un processus occasionnel (campagne électorale, vote) doit se substituer un processus permanent de saisissement par les personnes de leurs propres problèmes : travail, emploi, garde des enfants, nourriture, transport, et des moyens d’y répondre, mais aussi fête de quartier, type d’école, jardins partagés… Seules de petites entités comme les communes sont à même d’y pourvoir. Aussi proposons nous de regrouper, sur tout le territoire, les communes trop petites jusqu’à en faire de entités de quatre ou cinq mille personnes, de la même façon que nous proposons de scinder les grandes métropoles en petites entités de même taille. Il va de soi qu’un tel processus est tendanciel et doit tenir compte de la géographie, des habitudes, des bassins d’emploi, des traditions…Cela veut dire aussi doter ces entités de tous les pouvoirs administratifs actuellement dévolus aux diverses autres instances (région, département, communautés), mais aussi des pouvoirs régaliens (justice, police), cela veut dire les doter de budgets conséquents pratiquement identiques en tous points du territoire. Comment cela se peut-il est la première question mise au débat.
33 – Ecologie sociale
En outre, au primat de l’économique qui régit actuellement toutes les relations sociales doit se substituer le primat de l’écologie, entendu au sens large. A partir du moment où la commune pose comme principe qu’elle débat de tout, la nécessaire transformation économique dans un sens de moindre prédation, de diminution de l’empreinte écologique, doit primer sur tout. Cela veut dire l’intervention dans toute entité économique constituée qui ne respecte pas les normes et règlements édictés (pollution et droit du travail), cela veut dire la constitution de coopératives municipales qui seront des leviers d’intervention de la politique municipale, cela veut dire la constitution de banques municipales, de monnaies locales, autres moyens d’appliquer la politique locale. Cela veut dire aussi que des métiers complètement à l’abandon à l’heure actuelle retrouveront une pérennité essentielle (paysan), tandis que d’autres péricliteront inévitablement (publicitaire) devant la mise sur pied de politiques essentielles. Cela veut dire que des secteurs aujourd’hui complètement abandonnés (chaussure, textile…) pourront renaître à part entière du moment que les citoyens, conscients et des dégats environnementaux, et des dégats sociaux occasionnés par le libre échange, recommenceront à se nourrir, à se vétir, à se chausser localement. Cela veut dire passer de l’organisation verticale de la société (hiérarchie de l’administration et des partis) à une organisation horizontale de commissions et d’assemblées régulières, autonome (autos-nomos, qui se donne ses propres lois). Cela veut dire remettre l’économie à sa place, juste aux côtés des autres approches : sociale, écologique, politique, ethnologique, philosophique, artistique…
La décolonisation de l’imaginaire, au moment où le consumérisme, vilipendé depuis 68, constitue néanmoins le quotidien intégral, donc la bataille d’idées, au sens gramscien, est sans doute le premier chantier auquel se confronter. La NEP, nouvelle éducation populaire (donc pas celle, ministérielle, de la jeunesse et des sports), et les mouvements divers de la décroissance, sont sans doute les fers de lances de cette nouvelle pensée qui remet l’homme au centre en lieu et place de l’économique, depuis la démission radicale des écologistes ralliés au capitalisme vert. Le vivre ensemble, le politique, c’est à dire la démocratie au quotidien, tel est selon nous le sujet principal auquel s’attaquer en premier lieu. L’indignation ne suffit pas, elle n’est que le premier pas. Les tunisiens nous montrent que les fers sont dans nos têtes, dans notre soumission quotidienne. Faisons les sauter, et le monde sera à nous.