La gauche modérée dit que nous devrions abolir toute discrimination
dans l’emploi. J’affirme pour ma part qu’il faut en finir avec l’emploi.
Les conservateurs plaident pour une législation garantissant le
droit au travail. Dans la lignée du turbulent gendre de Marx, Paul
Lafargue, je soutiens le droit à la paresse.
Certain…s gauchistes jappent en faveur du plein-emploi. J’aspire au plein-chômage, comme
les surréalistes – sauf que je ne plaisante pas, moi. Les sectes
trotskistes militent au nom de la révolution permanente. Ma cause
est celle de la fête permanente.
Or, si tous ces idéologues sont des partisans du travail – et
pas seulement parce qu’ils comptent faire accomplir leur labeur par d’autres
-, ils manifestent d’étranges réticences à le dire.
Ils peuvent pérorer sans fin sur les salaires, les horaires, les
conditions de travail, l’exploitation, la productivité, la rentabilité
; ils sont disposés à parler de tout sauf du travail lui-même.
Ces experts, qui se proposent de penser à notre place, font rarement
état publiquement de leurs conclusions sur le travail, malgré
son écrasante importance dans nos vie. Les syndicats et les managers
sont d’accords pour dire que nous devrions vendre notre temps, nos vies
en échange de la survie, même s’ils en marchandent le prix.
Les marxistes pensent que nous devrions être régentés
par des bureaucrates. Les libertariens estiment que nous devrions travailler
sous l’autorité exclusive des hommes d’affaires. Les féministes
n’ont rien contre l’autorité, du moment qu’elle est exercée
par des femmes. Il est clair que ces marchands d’idéologies sont
sérieusement divisés quant au partage de ce butin qu’est
le pouvoir. Il est non moins clair qu’aucun d’eux ne voit la moindre objection
au pouvoir en tant que tel et que tous veulent continuer à nous
faire travailler.