La Publicité à l’école, ça suffit !
Cette année encore les centres E.Leclerc organise leur opération de greenwashing « Nettoyons la nature » dans nos écoles .
Quentin, 6 ans, élève de CP, rentre de l’école et raconte : « Aujourd’hui avec l’école, on a nettoyé la nature ! On avait mis un t-shirt pour ne pas se salir, et on a même eu le droit de le garder ! ». Et là, il lève à bout de bras, fièrement, un t-shirt au logo de Leclerc « NETTOYONS LA NATURE AVEC E.LECLERC ».Le principe de neutralité de l’école et le code de bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire.
Un immense calicot portant le même logo décore la grille de l’école. La maman de Quentin s’étonne et interroge la maitresse sur cette intrusion publicitaire. « Il ne faut pas voir le mal, c’est une occasion de sensibiliser les enfants dans le cadre de la semaine citoyenne, c’était pratique, on nous a fourni les gants, les sacs poubelles, les t-shirts… »
En effet, sur le site de Leclerc, on peut en quelques clics inscrire sa classe à cette opération de « protection de l’environnement » (sic !). Des opérations du même goût, aux vocations citoyennes plus ou moins douteuses, se rencontrent chez Danone, Nestlé, Signal, et d’autres…
Comment cela est-il possible ? La publicité n’est-elle pas interdite à l’école ?
Le principe de neutralité de l’école: « en aucun cas et en aucune manière les maitres et les élèves ne doivent servir directement ou indirectement à aucune publicité commerciale. »
Ce principe est inscrit dans la constitution. L’interdiction de la publicité à l’école, en vigueur depuis 1936, a été réaffirmée à plusieurs reprises dans plusieurs circulaires. (circ. du 8/11/1953, circ. n°II-67-290 du 3/7/1967, circ. n°76-440 du 10/12/1976). Elles rappellent notamment que « en aucun cas et en aucune manière les maitres et les élèves ne doivent servir directement ou indirectement à aucune publicité commerciale. »
Malgré cela, la publicité et les pratiques commerciales envahissent le système éducatif!
Les enfants constituent une cible de plus en plus prisée par les publicitaires, ce qui n’a rien d’étonnant quand on sait que les deux tiers des produits consommés par les enfants le seront encore à l’âge adulte, et que ceux-ci sont de plus en plus les prescripteurs des achats de leurs parents. L’école représente le lieu idéal pour diffuser des messages publicitaires à l’attention des enfants. « C’est là qu’ils se trouvent tous rassemblés », déclare une agence de conseil en marketing, « et le lieu même tend à garantir l’intérêt et la qualité des messages qui y circulent » (agence GMV Conseil, oct. 1998)
Le code de bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire.
Sous couvert d’empêcher des pratiques commerciales de plus en plus nombreuses, Jack Lang, alors ministre de l’Éducation Nationale, publie en 2001 au bulletin officiel un « code de bonne conduite » ( circ. n°2001-053 du 28/3/2001 – BO n°14 du 5/4/2001).
Or, malgré un rappel du principe de neutralité de l’école, ce texte donne aux établissements scolaires la possibilité de conclure des partenariats, officialise la présence de logos sur les mallettes pédagogiques et tolère la publicité sur les outils informatiques et certaines publications. Il remplace en outre la notion de neutralité scolaire par celle de neutralité commerciale, précaution révélatrice d’une volonté de marchandisation de l’école. Ce code ne viserait-il pas en réalité à légitimer et développer les pratiques publicitaires et commerciales ?
C’est ainsi que, loin d’empêcher l’opération « Nettoyons la nature avec E Leclerc », ce code la justifie par un « partenariat ».
Cette circulaire constitue donc une immense brèche précisément parce qu’elle remet en cause l’interdiction de la publicité à l’école.
« les enfants sont immunisés contre la pub »
D’aucuns déclarent, comme la maitresse de Quentin, « qu’il ne faut pas voir le mal ». Les kits pédagogiques sont bien faits, gratuits, colorés, tout prêts à utiliser. C’est si pratique quand on sait que les budgets sont si serrés ! Naturellement, on nous jure que les intentions des publicitaires sont « pures et désintéressées » : « les consommateurs demandent aux marques d’avoir une fonction citoyenne », affirme-t-on chez l’agence de conseil EuroRSCG, « L’institut Danone est l’allié des mamans pour l’éducation alimentaire des enfants. Mais les mères se sentent de plus en plus seules. Plus personne n’incarne l’autorité, les valeurs. Les Pères ont démissionné, l’Etat est absent. Qui va donner des repères moraux aux enfants ? Les marques peuvent jouer ce rôle. »
C’est ainsi que Leclerc explique la protection de l’environnement aux enfants, et Mac Do la nutrition… On entend parfois : « la pub est partout, il faut que l’école prépare les enfants à la décoder », « les enfants sont immunisés contre la pub ».
Ces remarques font preuve pour le moins :
- d’une confusion des registres : est-on à l’école pour devenir un bon consommateur ? La publicité, c’est l’anti culture par excellence. L’école doit être un lieu de transmission de la culture.
- d’une confusion des genres : la pub, c’est du dressage et de la manipulation. L’école doit être un lieu de confiance et d’émancipation.
Résister.
Pour résister à l’intrusion grandissante de la publicité à l’école, on peut entre autres :
- traquer la pub à l’école et la dénoncer chaque fois que c’est possible en interpellant les enseignants de nos enfants, nos collègues, les parents d’élèves,
- Ne pas participer à des « partenariats », « jeu concours », refuser d’y faire participer nos élèves,
- « Nettoyer » les casiers, salles des profs, panneaux d’affichages, plaquettes…
- Revendiquer les moyens nécessaires au bon fonctionnement de l’école. C’est à l’Éducation Nationale de subvenir à ses besoins au lieu de se faire offrir ce dont elle manque par les grandes marques.
- Signer la pétition pour l’annulation du code de bonne conduite des entreprises en milieu scolaire.