La nécessité d’un arrêt total des programmes nucléaires démontrée par l’exemple.
Après la tempête – Centrale de Blaye
La centrale nucléaire du Blayais n’a pas résisté à la tempête de la fin de siècle.
Le scénario catastrophe a été évité de justesse. La conception du site est sans doute à revoir.
Les tranches 1 et 2 de la centrale nucléaire du Blayais, à l’arrêt depuis la tempête des 27 et 28 décembre dernier,
sont passées très près d’un véritable scénario catastrophe, et elles vont vraisemblablement devoir être déchargées de leur combustible,
le temps que d’importantes réparations soient effectuées sur le site.
En effet, l’inondation d’une bonne partie des bâtiments a successivement mis hors d’usage plusieurs installations de sauvegarde,
comme le circuit d’injection de sécurité (RIS), qui permet de rétablir le niveau du circuit primaire, et l’EAS (aspersion de l’enceinte),
qui permet de faire baisser la température à l’intérieur du bâtiment réacteur en cas d’accident.
Quand ce fut au tour, à 8 h 23, le matin du 28 décembre, de la moitié des pompes du circuit SEC (eau brute de sauvegarde),
qui prélève l’eau en Gironde, la situation est devenue très grave.
C’est le SEC qui assure en effet le refroidissement de l’ensemble, par l’intermédiaire d’autres circuits, et la sûreté de la tranche n° 1 ne tenait plus qu’à deux pompes,
justifiant le déclenchement d’un plan d’urgence interne.
FUSION
Comme l’explique Christophe Quintin, responsable de la division nucléaire à la DRIRE (Direction régionale de l’industrie, de la recherche et de l’environnement) de Bordeaux,
« si le SEC avait lâché, on se retrouvait dans la configuration de l’exercice fait à Golfech en novembre dernier, où l’on avait simulé la fusion du coeur de la centrale au bout de dix heures ».
La fusion du coeur étant l’accident le plus grave qui puisse survenir à une centrale nucléaire et peut conduire à la rupture de l’enceinte de confinement.
Cette possibilité est tellement prise au sérieux que les experts de l’Institut de protection et de sûreté nucléaire (ISPN) calculent actuellement
quelle a été la probabilité de s’en approcher le 28 décembre dernier.
Hier, Jérôme Goellner, adjoint au directeur de la sûreté des installations nucléaires (DSIN), s’est rendu à Blaye en compagnie de
Christophe Quintin pour une « visite technique » destinée à évaluer la situation pour prendre des décisions aujourd’hui.
La DSIN devrait faire connaître en fin d’après-midi ses recommandations pour les prochains jours.
Il s’agit dans l’immédiat de remettre tous les équipements en marche, pompes, vannes et autres appareils pour assurer la sécurité qui est en partie rétablie,
permettant l’allègement du plan d’urgence interne.
Cette phase devrait être terminée vers la mi-janvier, indiquait hier l’EDF. Il faudra aussi rétablir les digues de la centrale avant les grandes marées prévues à la fin du mois.
VINGT ANS APRÈS
Mais tout le matériel, qui a été plongé dans l’eau saline de la Gironde, est sérieusement endommagé, corrodé, et il faudra sans doute prévoir ensuite de longs travaux,plusieurs semaines,expliquait hier la direction de la centrale.
Pour les entreprendre en toute sûreté, les autorités de tutelle d’EDF envisageaient sérieusement hier de recommander le déchargement du combustible des tranches 1 et 2.
Ce qui les rendrait plutôt indisponibles pour quelques mois.
Il faudra aussi comprendre, explique Christophe Quintin, pourquoi une centrale nucléaire,
dont la plate-forme devait rester hors d’eau à la suite d’une « surcote de marée millénale », a pu voir ses installations vitales submergées par de
l’eau qui s’est engouffrée dans les multiples galeries techniques, vingt ans seulement après sa construction.
« On peut se tromper, explique-t-il, il y a un travail de conception à revoir. »
On ne disposait évidemment pas de statistiques précises sur les tempêtes des mille dernières années, mais il faudra désormais tenir compte de celle-ci
qui s’est pourtant produite avec un faible coefficient de marée.
Si la conception n’avait pas tout prévu, à aucun moment, en revanche, la gestion de la crise par le personnel EDF n’a été mise en cause par la tutelle.
Alors que de banales opérations de maintenance sont parfois dans certaines centrales l’occasion d’erreurs de routine, il semble que le grave incident
de la semaine dernière ait été l’objet d’un « sans-faute ».